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Rire au théâtre : de la farce au one-man-show
1. Au Moyen-Âge, sérieux et comique mêlés
Dans l’esprit de presque tous, le théâtre du Moyen-Âge se caractériserait, d’une part, par des oeuvres religieuses, sérieuses et édifiantes et, d’autre part, par des productions comiques, triviales et amusantes. Cette distinction est fausse : dans le théâtre du Moyen-Âge, au contraire, le sérieux et le comique, le religieux et le profane sont imbriqués dans les mêmes spectacles et ce, dès le XIIe siècle. Presque tous les mystères comportent des scènes comiques, comme l’illustre Bernard Faivre en racontant la farce dite « du meunier », jouée en 1496 pendant une représentation d’un mystère de Saint-Martin, au moment où l’agonie de ce dernier est racontée.
2 – La farce : le genre de « l’inversion »
Les deux valeurs de la farce sont, d’une part, le fait qu’elle est volontairement basse, voire rabaissante, et d’autre part, le fait qu’elle est amorale. Elle doit en partie ces caractéristiques à ses origines, qui furent les fêtes carnavalesques, fondées sur un mécanisme d’inversion où ceux qui sont en haut se retrouvent en bas et vice-versa. Précisément, la farce est le moment où les valeurs sont inversées : elle donne libre-cours à tout ce qui dans les commandements de l’Eglise est prohibé et met en scène les désirs les plus élémentaires. Bernard Faivre esquisse le portrait de quelques figures classiques de la farce, comme celui du mari trompé ou du « badin ».
3 – La farce mise au ban
La farce demeure le genre le plus prisé de toutes les couches sociales jusque vers 1630. Pourtant, les histoires littéraires, qui accordent une large place aux comédies de la Pléïade – qui n’ont pourtant presque jamais été jouées – ne réservent qu’une place réduite à la farce. C’est que, à partir du milieu du XVIe, certains lettrés prônent le modèle de la comédie latine, celle de Terence plus que celle de Plaute. Sous Louis XIV, la proscription du rire bas devient de plus en plus lourde : la farce ne correspond plus aux critères imposés. Il en reste pourtant des éléments dans le théâtre de Molière, notamment dans certaines scène du Tartuffe, que rappelle Bernard Faivre.
4 – Nos humoristes, héritiers de la farce
Le théâtre comique du Moyen Âge n’est pas un théâtre du « quatrième mur » : il ne connaît pas la convention, mise en place à la partir de la fin du XVIIe siècle, selon laquelle il existerait une frontière invisible entre les spectateurs et la scène. La farce pratique ainsi régulièrement des adresses au public. Dans les comédies de Molière, cet interdit est parfois malicieusement contourné, de même que dans le théâtre de boulevard, avec les apartés. Or, les spectacles des humoristes contemporains reprennent deux valeurs essentielles du théâtre farcesque : la bassesse et la connivence. En ce sens, ils peuvent être considérés comme une forme théâtrale en tant que telle.
5 – Un exemple de farce
A la fin de la conférence, pour illustrer les propos de Bernard Faivre, un spectacle de farces du Moyen-Âge est donné par la compagnie Théâtre en Stock. Une de ces farces met en scène un mari particulièrement jaloux qui emprisonne sa femme dans sa maison. Elle parviendra pourtant à s’échapper pour aller retrouver à l’extérieur son amant. Jusqu’à ce que le mari s’aperçoive de son infortune et ne chasse son épouse hors du domicile conjugal. Mais l’épouse n’a pas dit son dernier mot…