Figure majeure de la littérature française, Annie Ernaux a remporté le Prix Nobel de littérature en 2022. Le jury de l’Académie entendait ainsi récompenser « le courage et l’acuité clinique avec laquelle elle découvre les racines, les éloignements et les contraintes collectives de la mémoire personnelle ». C’est cette oeuvre sans pareil que Pierre‑Louis Fort, professeur des universités en langue et littérature françaises à CY2, explorera pour montrer comment, depuis les années 1970, Annie Ernaux saisit l’existence dans ce qu’elle a de politique, de sociologique, d’historique mais aussi de personnel et d’éminemment sensible.
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Pierre-Louis Fort remercie Université Ouverte et commence par une citation de « Ecrire la vie » pour introduire son sujet et parler de la poétique d’écriture de Annie Ernaux, la façon dont elle met en œuvre les mots.
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Le 10 décembre 2022, Annie Ernaux recevait le Prix Nobel de littérature, ce qui confirmait son œuvre comme étant majeure dans la littérature contemporaine.
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On peut remarquer deux temps dans l’écriture de Annie Ernaux. Les trois premiers textes qu’elle va publier, « « Les Armoires vides » (1974), « Ce qu’ils disent ou rien » (1977) et « La Femme gelée » (1980) sont des romans de fiction. Tandis qu’avec « La place » (1983), il y a une rupture, un abandon de la fiction , on est plus dans le roman mais dan le récit.
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L’« écriture plate » à laquelle Annie Ernaux se rattache peut se caractériser par une sorte de décentrement autour de la personne qui est au centre de l’écriture, alors qu’auparavant les narratrices, les personnages étaient Annie Ernaux elle même, sous différents masques.
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« J’écrirai pour venger Marat », cette citation de Annie Ernaux est ressurgi au moment du Nobel. Elle s’appuie sur une autre phrase de Rimbaud : « Je suis de race inférieure de toute éternité » issu du poème Mauvais sens. Ici le mot race n’engage pas à un questionnement racial mais plutôt à une question identitaire et social et c’est dans cette directive là qu’elle l’emploie.
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L’écriture de Annie Ernaux nous invite à reconsidérer le réel, à repenser nos positions ou à revoir les choses sous un autre angle. Dans le discours du Nobel, elle dit qu’elle écrit pour inscrire sa voix de femme et de transfuge social dans ce qui se présente toujours comme un lieu d’émancipation.
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Annie Ernaux explore également tout ce qui est lié au désir et à la sexualité féminine. « Une passion simple » (1992), qui parle d’une relation avec un diplomate russe où elle met en avant la manifestation clinique de la passion, ses mécanismes etc. Il y a aussi « Se perdre » (1991).
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La perte est également au coeur de l’oeuvre de Annie Ernaux. En effet, sa sœur Ginette est morte avant qu’elle même ne naisse. Elle va consacrer un livre qui s’appelle « L’autre fille ».
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L’enseignement va permettre à Annie Ernaux de mettre en place une sorte d’interaction entre l’écriture et l’enseignement finalement. Cela va être l’occasion d’aborder de nouvelles formes d’écriture, notamment ce qu’elle va appeler les « ethnotextes », « Journal du dehors », « La vie extérieure » ou « Regarde la lumière, mon amour ». C’est une forme d’interrogation du réel sous la forme du journal pour saisir le réel.
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pour conclure, Annie Ernaux a été l’ambassadrice non seulement de la littérature, mais également de la ville de Cergy-Pontoise. L’université de Cergy lui avait remis dans cet amphithéâtre il y a une dizaine d’année, un doctorat d’honneur. Elle n’aime pas recevoir de prix mais elle accepte car cela signifie que ses lecteurs sont contents d’une part, et d’autre part, certains prix comme le Nobel ont des valeurs symboliques qui lui permettent de porter sa voix de façon très nette à l’international.
Dans le cadre du cycle de conférences-débats Université Ouverte de CY Cergy Paris Université. Enregistrée le jeudi 7 décembre 2023.