La liberté d’expression est-elle absolue ? A-t-elle des limites ? Comment concevoir l’enseignement civique sans renoncer aux principes de la République et sans heurter les consciences ? Pour tenter de délivrer les enseignants des injonctions contradictoires auxquelles ils doivent faire face, François Héran, titulaire au Collège de France de la chaire Migrations et sociétés, a mené un travail d’enquête historique et juridique sur les origines, le développement et les tensions qui entourent les grandes libertés que sont la liberté d’expression et la liberté de croyance.
Samuel Paty [00:34]
François Héran salue la mémoire et l’implication de Samuel Paty dans des disciplines nouvelles telles que l’EMC, le soin qu’il apportait aux thématiques d’éducation morale et civique. Il revient sur le contenu de cette nouvelle discipline, qui conduit les élèves à prendre du recul par rapport à leurs propres certitudes et n’a rien d’un catéchisme officiel. Dans son livre « Lettre aux professeurs sur la liberté d’expression », François Héran veut rendre la possibilité d’un libre examen sur ces questions. Il déplore en effet que les attentats djihadistes aient « absolutisé » la liberté d’expression et estime que le débat sur la liberté d’expression ne doit pas mettre de côté la liberté de croyance.
Une enquête historique [14:23]
Pour son ouvrage, François Héran a lancé une enquête en plusieurs volets, d’abord auprès des caricaturistes, divisés sur ces questions ; ensuite en regardant l’histoire et les principes juridiques qui ont prévalu à l’émergence de cette notion. Il revient sur des débats des conventionnels en 1792, qui révèlent l’importance des cultures juridiques anglaises et américaines sur la nôtre. Les révolutionnaires énoncent deux grandes libertés, de croyance et d’expression, en y mettant des limitations. On laisse à la jurisprudence le soin de limiter les limites à la liberté.
Une enquête juridique [31:48]
La Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 n’est ni un traité multilatéral ni une convention ; elle reprend ses deux principes mais n’a aucune valeur contraignante bien qu’elle ait eu une grande influence. Les choses changent quelques années plus tard : Pierre-Henri Teitgen, secrétaire du comité de préparation de la convention européenne des droits de l’homme a conçu l’idée de la garantie collective : tout citoyen peut s’adresser à la cour européenne des droits de l’homme après épuisement des voies de recours internes. La France va toutefois mettre 24 ans à la ratifier.
Une enquête sociologique [49:18]
François Héran explique que l’un des derniers chapitres de son livre est consacré au racisme du point de vue de la sociologie ; il déplore que sur ce thème on insiste pas assez sur les faits ; il revient sur les types d’enquêtes qui permettent de mesurer les modes de discriminations et sur les limites de la loi Pleven de 1972, qui met de côté les discriminations non volontaires. Or, toutes les discriminations ne sont pas intentionnelles, elles peuvent être systémiques. Il conclut sur les origines de la notion de « Racisme systémique ».
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