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Commémorer, c’est évoquer les hommes du passé devant les hommes du présent pour leur parler de ce qui les lie et esquisser un devenir commun. En ce sens, l’usage public de l’histoire est bien fait de trois temps. L’utilisation du passé comme ressource n’est d’ailleurs pas une nouveauté.
Patrick Garcia explique que, à la fin du XIXe siècle, on assiste à une opération d’organisation de l’histoire. Les Républicains, tel qu’Ernest Lavisse explique qu’il y a des légitimités successives dans l’histoire dans la vie d’un peuple. La République est au débouché de l’histoire monarchique. Les historiens prendront rapidement leur distance à l’égard de cette doctrine d’Etat conciliatrice mais celle-ci durera jusqu’à Jacques Chirac.
Cette régulation du passé se trouve brouillée dans les années 80. Progressivement, les politiques, en France comme à l’international, reconnaissent les exactions dont se sont rendus coupables leurs pays. Le modèle de reconnaissance de la Shoah est devenu celui du rapport aux passés nationaux. Auschwitz est devenu, selon l’expression de Paul Ricoeur, « un événement fondateur en négatif ».
Le discours de Jacques Chirac du 5 juillet 1995 prononcé au Vélodrome d’Hiver change la donne. Le Président de la République de l’époque considère que l’Etat français a commis une faute collective irréparable. En même temps, il invoque les « Justes », ces Français qui, au péril de leur vie, ont protégé des Juifs. Il inscrit la politique mémorielle de la France dans la reconnaissance, sur la Shoah, la colonisation, etc.
Nous vivons une période de rupture mémorielle de l’Etat. Elle se traduit par l’inflation des commémorations, marque d’un présent désorienté – il y a 13 commémorations nationales par an en France – et le mode de gestion de l’histoire par les lois « mémorielles ».