En 1971, en pleine Guerre froide qui divise la planète entre les blocs occidental et communiste, le London Symphony Orchestra franchit le rideau de fer et se produit en URSS. En 1973, un autre orchestre britannique, le London Philharmonic Orchestra, se rend en République Populaire de Chine. Bien que ces orchestres soient privés, le gouvernement britannique y investit des sommes colossales pour financer leurs tournées. La musique apparaît alors comme un outil d’influence à une période où le dialogue entre Est et Ouest est rompu. Lauriane Simony, maîtresse de conférences en civilisation britannique à CY1 et spécialiste de la diplomatie culturelle britannique, questionnera le rôle politique de la musique. A-t-elle le pouvoir de faire passer des messages ? Peut-elle transgresser la censure des régimes communistes ?
Quand la musique franchissait le rideau de fer
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Présentation du sujet : le rôle des orchestres symphoniques britanniques (London Symphony Orchestra – LSO et London Philharmonic Orchestra – LPO) dans la Guerre Froide. La présentation est articulée en trois temps : genèse du projet, contexte historique, et études de cas spécifiques.
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La Diplomatie Culturelle : le véritable objet d’étude est la diplomatie culturelle, définie comme l’usage de la culture par un État pour accroître son influence et renforcer les relations internationales. La Guerre Froide est un contexte particulièrement fécond pour cette pratique, divisant le monde en deux blocs rivaux (Occident/Soviétique)
00:05:58 La Culture comme Outil Idéologique : toutes les disciplines artistiques deviennent des « armes culturelles » mises au service de la stratégie des gouvernements (ex : l’Empire soviétique avec Rostropovitch). L’enjeu est la tension entre l’échange culturel et la propagande.
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Le Rôle Spécifique de la Musique : la musique classique est souvent qualifiée d’apolitique et universelle dans les archives officielles, car dépourvue de mots. Pourtant, l’étude des sources (British Council, Foreign Office) révèle un rôle très politique : le moindre déplacement d’orchestre est un acte calculé, encadré par un déploiement diplomatique et sécuritaire massif.
00:13:56 La Compétition USA vs URSS : à partir des années 50, les deux superpuissances se lancent dans une rivalité culturelle : les États-Unis misent sur le Jazz (symbole de liberté, ex : Louis Armstrong) face au Ballet et à la musique classique soviétique. Le Star Power (ex : Leonard Bernstein à Moscou en 1959) permet de « gagner la bataille culturelle. »
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L’Action du Royaume-Uni : le Royaume-Uni cherche également à jouer un rôle, distinct des superpuissances. En 1959, il signe avec l’URSS un accord de coopération culturelle, dans le but explicite de contribuer à « apaiser les tensions internationales. »
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Étude de Cas 1 : Le LSO en URSS (1971) : tournée historique, financée par un budget colossal, en Union soviétique (Leningrad et Moscou). Le programme musical est un exercice d’équilibrisme (musique contemporaine britannique et grands tubes russes). Le choix des solistes russes (Richter, Rostropovitch) est au cœur de l’enjeu.
00:34:12 Victoire Politique du LSO : la tournée est un succès populaire (foule en délire, comparable à un « concert des Beatles ») et diplomatique. La participation du violoncelliste Rostropovitch, alors dissident boycottant les salles soviétiques, est perçue comme une victoire diplomatique britannique et contribue à la normalisation des échanges.
00:38:16 Étude de Cas 2 : le LPO en Chine (1973) : le LPO effectue une tournée historique en République Populaire de Chine, première d’un orchestre occidental depuis 1949. L’accueil est parfait, avec une forte médiatisation chinoise. L’accent est mis sur les échanges informels (visites touristiques, rencontres entre musiciens) pour développer des liens personnels.
00:46:58 Bilan et Actualité de la Diplomatie Musicale : l’analyse de la tournée en Chine suggère un renversement où la Chine parvient à éblouir la délégation britannique (qualité artistique, accueil impeccable), et en tire un prestige évident. Cette tournée ouvre la voie à de nouveaux contacts diplomatiques. En conclusion, l’impact est difficile à quantifier, mais la période a été particulièrement fertile pour la musique, un outil diplomatique qui demeure d’actualité aujourd’hui (ex : déploiement des orchestres chinois).
Dans le cadre du cycle de conférences-débats Université Ouverte de CY Cergy Paris Université.
Enregistrée le jeudi 16 octobre 2025.