Le français est une langue vivante qui ne cesse d’évoluer au fil du temps, de par ses contacts avec d’autres langues et par des dynamiques internes, que cela soit à l’oral ou à l’écrit. Doit-on s’en inquiéter ou saluer la vitalité qu’elles manifestent ? Peut-on encore parler de faute quand un usage devient majoritaire ? Anne Abeillé, professeure de linguistique à l’Université Paris Cité, ayant obtenu la médaille d’argent du CNRS1, codirectrice de la Grande Grammaire du français, nous interroge sur nos usages et sur notre orthographe, en grande partie inchangée depuis le XIXe siècle, et sur leurs enseignements actuels.
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Anne Abeillé se présente et présente son projet collectif visant à démystifier dix idées reçues sur la langue française, telles que l’idée d’une « langue de Molière » parfaite, l’impact supposé de l’anglais, ou le rôle central de l’Académie française, tout en proposant des améliorations possibles et en encourageant l’adhésion à une association dédiée à la linguistique.
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La professeure explique que le terme « grammaire » peut désigner à la fois un ensemble de règles prescriptives pour bien écrire (normes), la grammaire mentale que nous utilisons inconsciemment lorsque nous parlons, et une grammaire descriptive qui analyse les différents usages de la langue dans divers contextes, y compris à l’oral, à l’écrit, et à travers différentes cultures francophones.
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La langue comporte de nombreuses variations, tant dans l’écriture que dans la prononciation, selon les contextes géographiques, temporels et sociaux. Il souligne que les règles linguistiques, basées sur des catégories et des fonctions, n’imposent pas de rigidité mais reflètent des régularités observées, et que les « règles puristes » visant à stigmatiser certains usages, comme l’emploi de « à vélo » plutôt que « en vélo », manquent souvent de fondement général.
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Anne Abeillé notifie que les différentes catégories de voyelles en français, y compris les voyelles orales, nasales et semi-voyelles, ainsi que les défis liés à la transcription phonétique et à l’orthographe, où il existe souvent plusieurs graphies pour un même son. Il aborde également les règles de liaison, précisant que tous les mots débutant par une voyelle ne nécessitent pas toujours une liaison, et qu’il existe des distinctions subtiles de prononciation et de sens, comme entre « l’une » et « une ».
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La polyvalence de certains pronoms indéfinis en français, comme « on », qui dérive du latin « homo » et peut être utilisé pour signifier « tout le monde », « personne » ou des personnes spécifiques, et l’évolution du pronom « ça », qui est apparu au XVIIIe siècle et est devenu plus fréquent que « ceux-là », bien qu’il n’ait pas de genre neutre et puisse désigner des objets ou des idées variées selon son contexte.
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L’intervenant nous prale des nuances dans l’utilisation de « pas » en français, notamment la distinction entre la négation de phrase et la négation de constituants. Par exemple, dans une phrase comme « Je ne viendrai pas longtemps », le « pas » ne porte que sur « longtemps », et non sur toute la phrase. Cela contraste avec des phrases comme « Je ne sais pas », où « pas » marque la négation de toute la phrase. Il est aussi mentionné que « ne » peut parfois être omis dans la langue parlée, notamment en région parisienne, sans affecter le sens négatif de la phrase.
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Le genre des noms en français, notamment pour les êtres humains, est souvent arbitraire et historique, bien qu’il puisse aussi refléter le genre social, avec des variations dans l’utilisation du masculin ou du féminin.
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La professeure dit que le genre grammatical des noms humains est souvent interprété comme un genre social, et les règles d’accord varient selon la proximité des mots et les contextes, notamment entre le masculin et le féminin, et avec les verbes qui s’accordent principalement avec le sujet.
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Anne Abeillé conclut sur la réforme de 1990 qui a été adoptée dans les manuels scolaires en 2008, soulignant que certaines règles grammaticales, comme l’usage des accents et la manière de conjuguer certains mots, ont changé au fil du temps.
Dans le cadre du cycle de conférences-débats Université Ouverte de CY Cergy Paris Université. Enregistrée le jeudi 7 novembre 2024.