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Réécrire le conte : quand la société se raconte
1. Le conte, reflet social
Catherine d’Humières explique que la littérature de jeunesse sert à la fois de révélateur et de caisse de résonnance à nos sociétés. La plupart des auteurs contemporains l’utilisent pour transmettre leur vision de la vie, une morale. Le conte offre un récit construit et efficace, qui a nourri depuis des siècles un imaginaire collectif. Les réécritures de contes fonctionnent comme des broderies réalisées sur canevas, qui permettent souvent des créations originales allant parfois jusqu’au détournement pur et simple du récit original.
2. Effacement des figures masculines
Catherine d’Humières évoque l’effacement progressif des figures masculines et la valorisation des figures féminines dans les contes. Elle illustre ce trait contemporain à la lumière de la Petite Sirène (1835), conte écrit par Andersen, d’après Ondine de La Motte-Fouqué (1811). La version d’Andersen étoffe l’univers intergénérationnel de la famille de l’héroïne en donnant une grande place aux personnages féminins. Andersen sublime la femme valeureuse en exaltant les vertus de l’amour, capable de vaincre la mort.
3. Le Petit Chaperon Rouge déconstruit
Le Petit chaperon rouge est le conte qui a fait l’objet du plus grand nombre de versions, tant pour adultes que pour enfants. Certaines interprétations récentes n’hésitent pas à dévaloriser les liens intergénérationnels et à faire changer la violence de camp : d’oppresseur, le loup devient alors victime et la petite fille bourreau, cette inversion atteignant son paroxysme dans Rouge Rouge, petit Chaperon Rouge. La grand-mère, quant à elle, est soit représentée comme moderne et indépendante, soit est mise de côté, voire éliminée du conte.
4. Le conte, reflet de l’évolution des rapports intergénérationnels
Certaines versions du Chaperon rouge reflètent des phénomènes récents de nos sociétés, tel que l’allongement de la durée de vie. Ainsi, Le Petit Chaperon Rouge à Manhattan de Carmen Martin Gaite, présente une grand-mère immature dont la fantaise enchante la petite fille mais s’oppose en tout point avec celle de la mère. Les réinterprétations modernes du Petit Chaperon Rouge, avec l’absence de figures masculines protectrices, privilégient la version de Perrault plutôt que celle de Grimm. A ceci près que les femmes du conte l’emportent sur le loup, grand perdant du conte.